LA MUSIQUE INSOLITE – Par Julien Peyronin

LA MUSIQUE INSOLITE

Par Julien Peyronin, éducateur spécialisé (ADIR).

Chanson composée à l’occasion de la 6e Journée de l’ADIR. Les prénoms des enfants ont été modifiés pour préserver leur anonymat.

Alors voila, j’ai l’temps pour ça
J’vais pouvoir faire mon brouhaha
Moi l’musicien, l’éducateur
J’vais pouvoir faire c’que j’ai à cœur.

Un micro, un ampli, une basse,
Des percussions et un synthé
Ça y est, c’est à moi de jouer.

Assis dans la pièce, seul,
J’ai bien posé mon diagnostic
Les objectifs éducatifs, expéditifs et bourratifs
La clinique, analytique, thérapeutique, énigmatique…
J’ai réfléchi les intérêts, la visée et les bienfaits
Allez j’avoue, j’sais pas trop où j’vais !

Assis dans la pièce, seul,
J’attends mes deux acolytes
C’est avec eux que je prends vie
C’est avec Tina et Steevie
C’est avec eux que je fabrique
La musique insolite.

Steevie, lui, ne parle pas
Ou alors un mot, par-ci par-là
L’invitation l’intéressant, il entre tel un géant

Son truc à lui, c’est la démo du synthé
Des heures durant, sans s’arrêter
Il pourrait l’écouter.

Mais quand je branche le microphone
Et que je commence à parler
Le son qui sort et qui résonne
Semble le captiver.

J’lui tend le mic
Il s’en empare, sans crier gare
Et là, Steevie se met à chanter
Ooooh ooooh oooooooh, ooooh ooooh oooooooh.

Il vocalise Steevie, il improvise
Il fait vibrer ses cordes vocales
Dommage qu’il n’y ait que nous dans la salle
Je prend la basse, j’me décarcasse
Et j’l’accompagne dans cet espace.

Il pose son oreille sur les cordes
Les fait vibrer dans le désordre
Explore les sons, mi la ré sol
C’est l’music hall que l’on bricole !

C’est l’moment d’citer un auteur
Rencontré dans une salle obscure
Un soir d’hiver pour une lecture
« Autiste, artiste,
Tu remarqueras comme les deux mots sont proches,
Et combien il serait facile d’appliquer la définition du premier au second ;
Personne détachée de la réalité extérieure et animée d’une vie intérieure intense. »

La musique insolite
Un atelier, j’hésite
Je m’attelle à lier
Je propose, il dispose
Est c’que j’ose, la psychose ?

J’appelle Tina, la diva
Entrera, entrera pas
C’est toujours elle qui a le choix
Puis pas à pas, elle se rapproche
Et je travaille mon approche.

Franchira-t-elle le pas d’la porte,
Non pas cette fois, faut qu’je reporte
Sur le palier elle restera,
Allongée elle ne bougera pas.

Mais je m’accroche et je retente
Je crois qu’elle chante
Quand ça la tente.

Une autre fois, elle entrera
À sa manière en marche arrière
À reculons, sur les talons.

Avec son style, si volatile
C’est difficile pour Tina
C’est une diva, n’oublions pas !

Enfin heureux qu’elle soit là
Assise à coté de moi
Je la laisse faire et puis j’espère.

C’est en frappant les percussions
Qu’on peut sentir les vibrations
Mais là c’est elle qui donne le ton
Tina les gratte et je m’adapte.

Dans cet élan déconcertant
Un peu troublant, à contretemps
Elle poursuivra ce je n’sais quoi
Et m’fra entendre le son d’sa voix.

Des grands classiques, elle chantera
Noël et son petit papa
Le vent d’hiver qui soufflera.

C’est un peu faux, un peu étrange
Elle postillonne, me désarçonne
Mais pas question que j’abandonne.

Et pour Tina, ça n’suffit pas
C’est avec moi qu’elle conclura
Alors j’me lance avec ma voix
Un peu timide, un peu pantois
C’est elle la muse, c’est moi le hic
Mais elle s’amuse et c’est magique
Alors je chante avec Tina
Extravagante señorita!

Une autre fois, y’en aura pas
C’est compliqué avec Tina
Quand elle veut pas, n’insiste pas
C’est une diva, n’oublions pas.

Et alors moi, le musicien
L’éducateur qui ne sait rien
Explorateur de la lenteur
J’ai appris de mes acolytes
Une autre manière de faire d’la zik.

J’ai oublié tout c’que j’savais
J’me suis perdu
Ils m’ont guidé.

J. Peyronin