RETOUR SUR LA JOURNÉE DU 3 DÉCEMBRE 2016

RETOUR SUR LA JOURNÉE DU 3 DÉCEMBRE 2016

Les Journées de l'ADIR

Vingt ans après sa première journée d’études cliniques, l’ADIR ouvrait le 3 décembre 2016 au matin sa 6e Journée, devant l’amphithéâtre plein du cinéma Henri Verneuil, à La Valette-du-Var. La question des appareillages du corps a pu être dépliée au fil des réflexions théoriques, des discussions cliniques et de la conférence de l’invité de cette année, Alexandre Stevens, psychiatre, psychanalyste, fondateur et directeur thérapeutique de la fameuse institution du Courtil, en Belgique. Retour en vidéos sur les moments forts de cette Journée.

LE BILLET DE LA PRESIDENTE

« L’ADIR convie tous les deux ans les professionnels des secteurs médico-éducatifs, des services de soins psychiatriques infanto-juvéniles, et les familles intéressées, à la Journée de l’institution. En ce 3 décembre 2016, le thème choisi concernait Les appareillages du corps.

Les personnels de l’institution ont exposé à cette occasion, à travers des textes courts, leurs pratiques cliniques orientées par la psychanalyse. Notre invité, Alexandre Stevens, psychiatre-psychanalyste, fondateur et directeur thérapeutique de l’institution Le Courtil (Belgique), s’est constitué en « pousse à l’élaboration » grâce ses questions et ses commentaires, avant de nous proposer une conférence amenant son éclairage expérimenté quant aux appareillages du corps.

Le conseil d’administration de l’ADIR soutient résolument ce temps fort de l’institution qui, non seulement fait relance d’un désir de travail et d’un transfert à la psychanalyse pour les professionnels, mais témoigne en plus de leur inventivité, de leur rigueur et de leur ouverture aux surprises, aux trouvailles des jeunes accueillis dans ses établissements.

Ces journées biennales visent à démontrer et diffuser la façon dont une psychanalyse vivante opère avec bonheur et créativité en faveur des jeunes en grandes difficultés et à réaffirmer le bien-fondé de cette méthode – aux côtés des autres – quant à ce public particulier.

Dans ce contexte, je tiens à remercier vivement les élus qui ont ouvert cette journée, indiquant ainsi et exprimant leur soutien sans relâche à l’orientation de l’ADIR : Mme Geneviève Levy, député du Var, 1er adjoint au maire de Toulon, Mme Isabelle Bourgeois et Mr Jacques Couture, respectivement 3e et 1er adjoints à la mairie de La Valette-du-Var, au nom de Mme le sénateur-maire, qui nous accueille pour cette Journée et pour la deuxième fois dans son beau cinéma Henri Verneuil.

Tous mes remerciements chaleureux vont également au directeur de l’ADIR, Pierre Falicon, aux psychologues cliniciens, moniteurs éducateurs, éducateurs spécialisés, enseignants, à l’ensemble de l’équipe administrative, ainsi qu’à tous les personnels de l’ADIR qui font que notre institution poursuit sa mission au service des enfants et de leurs familles. »

Marie-Claude Pezron, présidente de l’ADIR

 

1 – Ouverture. 14’

Geneviève Levy, député du Var, 1er adjoint au maire de Toulon, réitère son soutien à l’ADIR et son action, quelques jours avant le vote à l’Assemblée nationale (le 8 décembre 2016) d’un projet de résolution, porté par le député Fasquelle (LR), visant à interdire la psychanalyse parmi les choix de prise en charge de l’autisme (le projet sera rejeté suite à une intense mobilisation de toutes parts).
« Je tiens à vous marquer ma différence de position d’avec mon collègue Fasquelle », indique Mme Lévy. « On est dans un domaine où, au lieu de s’enserrer dans des dogmes, on a besoin de s’ouvrir et d’avoir l’approche la plus large possible de tout ce qui peut permettre d’accompagner les enfants, les familles. » Pierre Falicon, directeur de l’ADIR, la remercie pour « ces paroles essentielles ».
Isabelle Bourgeois, adjointe à la culture à la mairie de La Valette-du-Var et représentant le sénateur-maire de La Valette, Christiane Hummel, souligne son attachement à l’action de l’ADIR, non seulement en tant qu’élue mais aussi comme administratrice de l’établissement. A son tour, Jacques Couture, 1er adjoint à la mairie de La Valette, souligne l’importance, « en tant qu’élu, d’être présent sur un sujet qui est votre préoccupation et notre préoccupation ».
Alexandre Stevens poursuit sous l’angle clinique, « impressionné par la qualité des travaux » qu’il a pu lire avant leur présentation au cours de la journée. Marie-Claude Pezron déclare la journée ouverte en soulignant la continuité d’avec l’orientation engagée avec la première journée tenue il y a 20 ans.

2 – Présentation du thème de la journée. 5’

Deux axes orientent l’abord de la question des appareillages du corps, indique Pierre Falicon. D’une part, l’axe du symbolique et de la parole : « Il ne s’agit pas de corriger le symptôme mais, au contraire, […] de voir comment peut s’élaborer un chemin qui aura des effets pour que le jeune accueilli chez nous puisse circuler dans le lien social. »
D’autre part, s’agissant spécifiquement du corps et de ses désordres : « On ne va pas normaliser » mais tenter « de faire que se connectent les signes de ce désordre du corps sur, justement, un rythme plus partageable dans le lien social. »
Il s’agit « d’une clinique du cas par cas, du sujet, qu’on retrouvera dans tous les travaux présentés [au fil de cette journée et] qui restituent une année de travail de toutes les équipes » au sein de l’ADIR.

3 – Qu’est-ce qu’un appareillage d’un point de vue psychanalytique ? L’appareillage, soutien du corps. 15’

Sous la présidence de Patrick Roux, psychologue clinicien à l’ADIR, psychanalyste, membre de l’École de la Cause freudienne (ECF), la première séquence de cet éclairage s’ouvre avec Ana-Marija Kroker, psychologue clinicienne à l’ADIR. Elle déplie en quoi l’appareillage du corps est un soutien du corps et clôt sur l’exemple de Temple Grandin.

Alexandre Stevens : « Comme vous le dites bien, on ne naît pas avec un corps, on naît avec un organisme et le corps, c’est ce qu’on construit […], ce qui distingue l’être parlant de tous les autres. » « Il s’agit d’aider les sujets à trouver leur propre invention [ainsi de Temple Grandin] qui se donne un corps avec une machine à serrer […], avec un appareil extérieur. »

4 – Qu’est-ce qu’un appareillage d’un point de vue psychanalytique ? L’appareillage : fonction symbolique. 16’30

La seconde partie de cette séquence se poursuit avec Ianis Guentcheff, psychologue clinicien à l’ADIR, autour de la fonction symbolique comme appareillage, avec cette particularité : son éventuelle toxicité pour le sujet.

Patrick Roux : « Ianis Guentcheff nous fait entendre qu’une implication du sujet a des conséquences cliniques. »
Alexandre Stevens souligne la position éthique de I. G. contre cette idée de considérer les déficits qui fait les beaux jours des systèmes d’évaluation ; car, même quand on les teste, une proportion infime des dites débilités mentales révèlent un déficit explicitement organique. « Toute la question est de savoir comment permettre à ces enfants de construire leur monde, leur symptôme, de façon à pouvoir répondre à cet envahissement de jouissance qui vient des mots. »

5 – Des appareillages singuliers. Les jeux vidéo. 15′

Stéphane Joguet, éducateur spécialisé à l’ADIR, restitue la pratique avec des adolescents, Luc et Yann, autour des jeux vidéo. Ce faisant, il tente d’indiquer des pistes pour répondre à cette question : comment s’en servir dans la clinique ? Pour des raisons de confidentialité, l’exposé des cas, dont les prénoms ont été modifiés, n’est pas accessible en vidéo*. A voir :  la discussion animée par Pierre FaliconPatrick Roux et Alexandre Stevens. Intervention de Nicole Guey, psychanalyste membre de l’ECF.

Alexandre Stevens : « Un sujet qui vient chez nous déconnecté du monde, [en jouant aux jeux vidéos] il se connecte à quelque chose, d’abord je trouve ça bien, je ne crains pas la dépendance à cette connexion. Jusqu’où peut-on aller dans l’accompagnement d’un sujet psychotique quand son appareillage nous bouscule ? […] Je cherche quel peut être le partenaire du sujet en difficulté, partenaire au sens de ses points d’appui dans le monde.[…] ça peut être le jeu vidéo. »

6 – Des appareillages singuliers. « Tu me coupes la parole ». 7’30

« Tu me coupes la parole », lance Alan à Marina Jacomen. Educatrice spécialisée à l’ADIR, elle témoigne de son travail avec cet enfant… au travail ! Pour des raisons de confidentialité, l’exposé du cas, dont le prénom a été modifié, n’est pas accessible en vidéo*. A voir : la discussion animée par Pierre FaliconPatrick Roux et Alexandre Stevens. Intervention de Nicole Guey.

Alexandre Stevens : « Vous inventez un lieu où la rencontre est possible. »

7 – Des appareillages singuliers. Attacher, détacher. 12’

Rachid El Ghaouti, moniteur éducateur à l’ADIR, expose le paradoxe de Boris, qui oscille entre le fait de ne pas être laissé-tomber et un envahissement par l’autre insupportable. Pour des raisons de confidentialité, l’exposé du cas, dont le prénom a été modifié, n’est pas accessible en vidéo*. A voir : la discussion animée par Pierre FaliconPatrick Roux et Alexandre Stevens.

Alexandre Stevens : « Je repère deux traitements : d’une part le traitement de l’autre […] il a besoin d’un autre réglé, sans surprise […] c’est le minimum, d’un autre sur lequel il puisse accrocher son corps, c’est ce que vous lui permettez de faire […]. Et puis, il y a le traitement du laissé-tomber, et ça c’est la balle [avec laquelle il joue, la faisant apparaître/disparaître], qui a un statut de langage extraordinaire […] et il n’a pas besoin de vous pour ça. »

8 – Des appareillages singuliers. Parcours en 9 actes. 11′

Marcel Ivars, moniteur éducateur, et Jérôme Belijar, éducateur spécialisé, ont co-écrit ce « Parcours en 9 actes » présenté par Marcel Ivars, celui de César, auprès de qui le travail s’est élaboré à plusieurs. Pour des raisons de confidentialité, l’exposé du cas, dont le prénom a été modifié, n’est pas accessible en vidéo*. A voir : la discussion animée par Pierre FaliconPatrick Roux et Alexandre Stevens.

De fait, souligne Patrick Roux, la dimension de l’équipe et de l’institution comme appareillage, perceptible dans chacun des cas présentés cette matinée, ressort encore mieux ici.
Alexandre Stevens : « Je trouve formidable cette évolution […] c’est un jeune qui est dans la défense massive, j’ai rarement vu ça […]. Bravo à l’équipe [d’avoir accepté qu’il vide entièrement sa chambre] : c’est après-coup qu’on peut comprendre […] une fois le vide créé, il a pu commencer à créer son monde, à remplir avec ses objets… »

9. « Les appareillages du corps », conférence, par Alexandre Stevens. 1h12′

« La question du corps est essentielle. Parler de la jouissance nécessite un préalable : saisir ce qui la rend possible. La réponse semble évidente dans sa simplicité. Il faut la vie. Mais qu’est-ce que la vie ? Nous l’ignorons. Mais Lacan, dans Encore, pose une avancée : « Nous ne savons pas ce que c’est que d’être vivant, sinon seulement ceci qu’un corps, cela se jouit. » La vie est donc la condition de la jouissance ; elle se saisit sous la forme du corps.Je cite un passage du livre d’Hervé Castanet, Comprendre Jacques-Alain Miller, qui est très bien fait : « Il nous faut pas seulement la vie, mais un corps. » Un corps on l’a, dire qu’on l’a veut dire qu’on ne l’est pas. »
Corps imaginaire et corps symbolique… Ecouter la suite :

10. Discussion. 33′
Table-ronde animée par Pierre Falicon et Patrick Roux, avec Alexandre StevensMonique Brillaux, pédopsychiatre à l’ADIR, Marie-Paule Candillier, psychologue clinicienne, administratrice de l’ADIR, Nicole GueyMarie-Claude Pezron.
Pour conclure, Pierre Falicon remercie Alexandre Stevens et cite le passage de la préface du fondateur du Courtil à l’ouvrage d’Alfredo Zenoni, L’autre pratique clinique – Psychanalyse et institution thérapeutique (Eres, coll. Point hors ligne, 2009) :
« L’autre qu’il s’agit d’incarner est plutôt un Autre barré, troué, limité, qui ne sait pas et donc qui écoute, pour apprendre, pour suivre le fil des signifiants qui se dégagent de la parole du sujet, et pour y coincer dans le réseau des dits ce qui peut, plutôt que donner un sens, ancrer la recherche du sujet, le sentiment de la vie, un symptôme ou simplement ce qui le fait tenir dans l’existence. C’est un autre qui laisse ouverte l’interrogation du sujet, qui est témoin actif de sa question. Ces modèles de travail avec la psychanalyse en institution, qui ne relèvent ni du divan ni du colloque singulier mais d’une pratique à plusieurs sans être une pratique interdisciplinaire, s’orientent des textes de Freud, de Lacan, de Jacques-Alain Miller mais aussi de ceux d’Alfredo Zenoni réunis dans ce livre. »

11. Conclusion. 5,30

Par Marie-Claude Pezron, présidente de l’ADIR.

Extrait :

« Le thème 2016, autour du choix des appareillages et les exposés qui vous ont été présentés nous révèlent l’inventivité des jeunes sujets que nous y accueillons. Ces sujets ne peuvent se soutenir du langage au même titre que leur congénères plus normés fréquentant les établissements traditionnels. En s’appareillant aux objets, au regard, à la parole, à la lettre d’une façon innovante, ils ébauchent des solutions pour construire leurs liens mêmes ténus à l’Autre du langage et aux autres, les semblables.

Tout ceci ne peut se produire que grâce à la sensibilité clinique des personnels éducatifs et à la solide formation psychanalytique des différents cliniciens qui interviennent au sein de l’ADIR, qu’ils soient psychologue, psychanalyste ou psychiatre.

Leurs écrits, leurs commentaires nous ont éclairés quant à la finesse de leurs approches souvent très délicates. Ils sont susceptibles, par exemple, d’apporter leur présence pour contrer le laissé-tomber de certains sujets, mais aussi de s’effacer pour creuser une place vide, ou réduire un trop de présence, quand il y a risque d’intrusion.
« Être là mais pas trop », a dit Marina Jacomen. Ils sont, nous l’avons vu, attentifs aux appareillages, même ceux qui s’ébauchent, même ceux à l’état « embryonnaire », nous indiquent Marcel Ivars et Jérôme Belijar, et ils se prêtent à soutenir ce que chaque jeune échafaude grâce parfois à leurs corps et ses marques, comme le port des lunettes de Rachid El Ghaouti. La console de jeux avec son écran est un appareillage qui protège, l’avatar un personnage qui peut représenter le sujet dans son lien à l’autre. Stéphane Joguet nous parle ainsi des jeux vidéo, lesquels, donnant lieu à controverse, ouvrent un champ de réflexion pour les éducateurs.

Nous avons pu aujourd’hui prendre la mesure de tout ce qui opère au sein des institutions de l’ADIR grâce à Alexandre Stevens, le fondateur du Courtil en Belgique. Nous le remercions très sincèrement d’avoir accepté de se joindre à nous et de nous avoir proposé ses analyses, ses questions comme autant de pousse à l’élaboration. La pertinence de sa conférence, le partage de sa grande expérience et la richesse des échanges qu’il a suscités, feront, j’en suis sûre, trace pour chacun de nous, et relance d’un désir de travail clinique. »

Captation et montage vidéo réalisés par Dako Films (Marseille).